La pyramide du Louvre : à la croisée des axes majeurs



Le 24 septembre 1981, François Mitterrand tient sa première conférence de presse depuis son élection à la présidence de la République. Il annonce plusieurs importants projets d’urbanisme culturel pour célébrer le bicentenaire de la Révolution française (dont deux des principaux artisans, Pierre Faure et Michel Baroin, disparurent, le second dans des circonstances encore peu expliquées).

Le Louvre est l’ancien palais des rois de France ; nous retombons là dans le mystère de la royauté. Il est situé à la croisée du Cardo et du Decumanus, les deux lignes directrices de Paris (sud-nord, orient occident ). Le Vau, en 1662, devait réaliser un projet comprenant une coupole et douze colonnes. Peu après, Louis XIV choisit la colonnade de Perrault. Il est à noter que le Louvre servit de cadre à beaucoup d’expériences spiritistes au XIXe siècle. Le Louvre est également habité par des fantômes tels que Belphégor et l’Homme Rouge...

 

« le Louvre s’est trouvé bâti à dessein au cœur pacifié d’un immense tourbillon magnétique souterrain qui recouvre toute la région parisienne et dont l’action se répercute circulairement jusque sur la ligne de Fontainebleau et au-delà. Un tourbillon magnétique occulte dont l’épicentre d’activité se situe à cent cinquante-trois mètres environ au-dessous d’un certain endroit, d’un certain nœud d’intégration idéale des tensions architectoniques intérieures de l’ensemble des bâtiments du Louvre, nœud d’intégration idéale que l’on avait nommé l’Abeille. »

Maîtrise du tourbillon magnétique : comme les anciens dolmens - toujours là - et les cathédrales bâties à dessein pour maîtriser le dragon. Ce nœud dispose de trois points d’appui : Montebello, Ponthieu, la Tourelle (bois de Boulogne), tous mués en caches royales.

La pyramide du Louvre - Nécropole royale - est symboliquement le lieu de rencontre de deux mondes : un monde magique, lié aux rites funéraires de retenue indéfinie de la vie ou du passage à une vie supratemporelle ; un monde rationnel qu’évoquent la géométrie et le mode de construction. La pyramide est par ailleurs, autant qu’un tombeau, un observatoire et un symbole ascensionnel ; elle est aussi un catalyseur d’énergie qui favorise la conservation des corps physiques.

Les dispositions intérieures des pyramides permettaient au roi défunt de monter au ciel et d’en redescendre à son gré. La pyramide est chargée de pouvoirs : en projetant concrètement le fruit de sa synthèse interne, l’homme affermit sa tendance à la synthèse nationale. Les travaux du bicentenaire de la Révolution avaient pour but de célébrer la naissance de la nation française moderne. « Transformer le Louvre exigeait d’exceptionnelles précautions. C’est le cœur de la Cité, le cœur de notre histoire. J’ai souhaité une architecture de pureté et de rigueur qui sût allier l’audace et le respect », déclarait en 1993 le bâtisseur Mitterrand.

Numérologie

On se souvient de la polémique qui a entouré le nombre de plaques de verre de la pyramide parfois assimilé au fameux 666, nombre de la Bête, mais, aussi et surtout, nombre solaire. Nombre clé de la vie selon Abellio, car c’est le résultat de la somme des nombres suivants : 123 + 231 + 312, série ordonnée, ou 132 + 321 + 213, série désordonnée. C’est la manifestation des trois termes de la Trinité, dans les trois plans : spirituel, animiste et matériel.

Tout monument religieux est un concentré de la science des nombres, de l’arithmosophie. Goethe disait que l’architecture était de la musique solidifiée ; et l’on sait la part que les mathématiques prennent à l’élaboration de la musique comme de l’architecture. Pour les pythagoriciens, le monde n’était-il pas gouverné par les nombres ?

Détaillons l’ouvrage : les proportions du chef d’œuvre sont rigoureusement celles de Gizeh, et cela jusqu’à l’angle d’inclinaison de 50,7°. La hauteur de la pyramide du Louvre est de 21,60 mètres. 21,6 est le 1/100 de l’ère de 2 160 ans, période très importante d’un point de vue ésotérique et astrologique ; elle correspond à une ère, la douzième en l’occurrence de la précession des équinoxes. On sait que le christianisme correspond à l’ère des Poissons à laquelle doit succéder l’ère du Verseau (célébrée à la Grande Arche), promesse d’une civilisation fluide, pacifique, féminine et démocratique.

La base de l’édifice mesure 35 mètres de côté. Ces dimensions, 21,6 et 35, entretiennent un rapport (0,618) qui est celui dit du nombre d’or. On appelle nombre d’or ou proportion dorée un rapport particulier tel que la plus petite partie par rapport à la plus grande soit comme la plus grande au tout. C’est ce que la géométrie classique appelle : partage d’une droite en moyenne raison. Le nombre d’or s’exprime sous la forme d’une équation du second degré : 1 + racine de 5 sur 2. 1,618 est considéré comme la valeur du nombre d’or. Si l’on divise 1 par 1,618, on obtient naturellement 0,618.

La pyramide est entourée de trois petites pyramides (comme à Gizeh) de 5 mètres de haut pour 8 mètres de côté, mesures qui sont aussi conformes au nombre d’or (5 par 8 ou 8 par 5). Chaque losange et triangle formant la face de chaque pyramide forme la Tétraktys pythagoricienne : 1 + 2 + 3 + 4 = 10.

La pyramide comprend 673 losanges ou parties de losange. On a beaucoup insisté à une époque sur le nombre 666, dit, selon saintjean, le « nombre de la Bête ». Des esprits un peu excités ont ainsi fait de la pyramide et des Grands Travaux un hommage architectonique aux forces démoniaques, au prince de ce monde. D’autres, plus goguenards, se sont trompés. En théorie, sans ouvertures, la pyramide comprendrait 684 (666 + 6 + 6 + 6) losanges, soit quatre côtés de 171 : 171 est le nombre divin de 18, c’est-à-dire la somme de tous les chiffres qui vont de 1 à 18. 18 vaut bien sûr en notation babylonienne 6 + 6 + 6. C’est le nombre du verbe créateur. Et 684 vaut également, comme 666, 18 (6 + 8 + 4).

Si la pyramide du Louvre valait 666 losanges (684 - 18), elle aurait besoin d’une face à 153 losanges, soit 18 de moins. 1 + 5 + 3 vaut 9, tout comme 1 + 7 + 1. 153 - somme des 17 premiers nombres - est un nombre sacré ; il est le nombre de la pêche miraculeuse dans l’Evangile selon saint Jean. Ce nombre sacré a servi à la construction d’édifices chrétiens : Cluny ou la place Royale, rebaptisée par la Révolution place des Vosges (les Vosgeois avaient été les seuls à payer leurs impôts). Cette dernière comprend en effet 144 arcades et 153 lucarnes. Faut-il rappeler que l’Evangile de saint jean est l’Evangile favori des ésotéristes ? Si on convertit les losanges (ces doubles triangles) en triangles, on en compte 324 par face. Or 324 x 4 = 1 296 triangles. On retrouve 1296 en multipliant les 72 triangles de la base de la pyramide par 18 cieux. 1296 est un nombre passionnant : il exprime la durée en années de la monarchie française de Clovis à Louis XVI.  1296 divisé par 2 160 donne encore le nombre d’or...

Ce n’est pas tout : la pyramide est entourée de sept bassins triangulaires en granit qui permettent au « ciel » de se refléter. Ces sept bassins sont à relier aux sept cieux et aux sept planètes de l’astrologie traditionnelle. Devant la pyramide sont rangés sept parallélépipèdes présentant chacun les mêmes caractéristiques : sur le sommet du bloc parfaitement poli est gravé un cercle. Au tiers de la hauteur, sur les quatre faces, une ouverture carrée est pratiquée. Un cube surmonté d’une pyramide, c’est exactement la description de la pierre cubique à pointe censée représenter l’idéal maçonnique.

A la place du Sphinx de Gizeh, se trouve la statue équestre en plomb de Louis XIV. Ici on a un symbole alchimique : celui de l’or, le Roi-Soleil Apollon personnification de la Lumière, prisonnier du plomb (les ténèbres) attendant sa transmutation en or lumineux dans la pyramide.

Parcours de la pyramide

Le pilier qui soutient la plate-forme est par analogie l’axis mundi, l’Arbre de Vie, qui relie les Enfers aux Cieux. La symbolique de l’escalier qui mène au souterrain musée prend alors tout son sens. Tel un Orphée, un Énée ou un Dionysos descendant aux Enfers, l’initié (le simple visiteur) descend dans l’intérieur de la terre grâce à un escalier à vis qui s’enroule autour d’une énorme colonne. Ainsi lors de sa descente en spirale (que l’on pense aux ziggourat, aux tours mésopotamiennes), le visiteur effectue un constant retour sur lui-même tout en cheminant autour de l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Ce processus involutif de descente au cœur de la terre (magnifiquement illustré par le Frère jules Verne dans le Voyage au centre de la Terre) peut être interprété à la lumière de la fameuse formule maçonnique VITRIOL : visita interiora terme, rectificandoque invenies occultum lapidem, « Descends dans l’intérieur de la terre, en rectifiant, tu trouveras la pierre occulte », pierre philosophale des alchimistes, élixir d’immortalité, symbole de la connaissance transfigurée.

Entre la pyramide du Louvre et l’arc de triomphe du Carrousel est construite une pyramide inversée qui parachève l’ouvrage de Pei. Entre les deux monuments, au niveau du sol, le piéton pressé ne verra qu’une place circulaire, avec en son centre un carré de verre. Là se situe la base de cette étrange construction. L’initié y verra l’union mystique de la terre, représentée par le carré, et du ciel, représenté par le cercle. Au sous-sol, on aura la vision d’une pyramide inversée en verre, dont la pointe sera dans l’axe d’une petite pyramide construite juste en dessous. Il y aura alors six pyramides. Six, nombre du verbe créateur.

La montagne et la caverne

Les deux pyramides s’opposant symbolisent la montagne et la caverne dans le symbolisme maçonnique. Voici ce qu’en écrit René Guénon :

« La représentation du centre spirituel par la montagne correspond proprement à la période originelle de l’humanité terrestre... mais lorsque la vérité ne fut plus à la portée que d’une "élite" plus ou moins restreinte (ce qui coïncide avec le début de l’initiation entendue dans son sens le plus strict)... la caverne fut un symbole plus approprié pour le centre spirituel. »

Les deux triangles inversés peuvent aussi exprimer « le principe passif ou féminin... et le principe actif ou masculin ». Guénon ajoute, concernant cette complémentarité symbolique de nos deux pyramides céleste et caverneuse (ici celles du Louvre) :

« On rapproche ordinairement coelum du grec koilon, « creux », ce qui peut avoir un rapport avec la caverne, d’autant plus que Varron indiquait déjà ce rapprochement en ces termes : a cavo caelum. »  

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